Enquête du CSE en cas de plainte pour des faits de harcèlment

CSE : Comment conduire une enquête en cas de violences internes ?

En cas de plainte de salariés de  faits de harcèlement,  la loi confère au CSE  la possibilité d’organiser une enquête paritaire  afin d’identifier les facteurs à l’origine de la situation et de chercher des mesures de prévention afin d’enrayer le phénomène.

1. Recueillir des faits

Avant de prendre la  décision de l'enquête, au cours d'un entretien,  le ou les représentants du personnel  recueillent  suffisamment d' éléments factuels (brimades, mise à l'écart, humiliation en public, etc.) auprès de la  victime afin d'évaluer la situation de violences internes. Par ailleurs, ils lui expliquent les suites éventuelles de l'entretien (alerte de l'employeur, enquête interne, etc.) et ses recours possibles : médecin du travail, inspection du travail, etc.  

 

En cas d'alerte d'un représentant  de l'existence d'une situation portant atteinte à la santé physique et/ou mentale d'un salarié, l'employeur procède sans délai à une enquête avec le membre du comité et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. L.2312-59 CT

Voir : CSE "Comment agir en cas de plaintes de violences internes "

2. Décider du principe de l'enquête 

Au cours d'une réunion extraordinaire, le ou les élus en contact avec la victime décrivent aux autres membres du CSE leur perception des faits de harcèlement afin   de se positionner : mise en place ou non d'une enquête. 

3. Organiser l'enquête 

Dans l'hypothèse où la majorité des titulaires présents ont voté le principe de l'enquête, le comité va décider des modalités  de l'enquête, à savoir :

  • La composition de la commission d'enquête :  Les élus éviteront de choisir parmi eux, ceux travaillant avec la ou les présumées victimes ou avec le présumé harceleur ;
  • La formation des enquêteurs : La formation des futurs enquêteurs semble indispensable pour acquérir les compétences juridiques et psychologiques pour bien mener  l'enquête et   éviter, ainsi,  certains écueils comme l'interprétation, le non-respect de la confidentialité, etc. pouvant avoir des conséquences lourdes  pour les personnes concernées de près ou de loin par cette situation ;
  • La méthodologie et les outils  : forme des entretiens, supports à utiliser, personnes à interviewées, etc. 
  • Précautions à prendre : confidentialité, objectivité, etc.
  • Communication auprès des salariés : forme, contenu, etc.

Avant le démarrage de l’enquête, une communication auprès de l’ensemble des salariés sur les principes et les objectifs de la démarche évite la propagation de rumeurs pouvant perturber le bon déroulement de l’enquête. 

 

4. Conduire l’enquête

a. Mener les entretiens

Organiser des entretiens formels avec les salariés impliqués directement ou indirectement (victimes, personnes incriminés, témoins, collègues, etc.) vise à recueillir des éléments factuels pour comprendre ce qui s’est passé. 

Lors des entretiens, les enquêteurs s’appliquent à pratiquer l’écoute active basée sur des questions ouvertes et la reformulation.  A ce stade de l’enquête, toute conclusion hâtive est à proscrire.

Avant le démarrage de chaque entretien, expliquer les principes de l’enquête basés notamment sur la discrétion,  l’anonymat et la protection de la parole rassure les salariés interviewés.

b. Analyser les données 

L’analyse de certains documents comme le document unique d’évaluation des risques, le planning, le relevé des heures réalisées, le taux de remplacement des absents, les objectifs fixés et les moyens à disposition pour les atteindre, formations suivies, etc. éclaire  les enquêteurs sur le travail réel, les conditions de travail et les mesures existantes de prévention. 

c. Rechercher les causes  

Au regard des faits recueillis et analysés, la commission d’enquête recherche les facteurs favorisant les violences internes : mobilité forcée, mise en concurrence des salariés, manque d'équité dans la répartition du travail, non-remplacement des absents, travail en open-space, etc. 

Le rôle des représentants du personnel n'est surtout pas de rechercher des coupables, de désigner « les bons et les méchants » et de déduire des conclusions hâtives avant un examen approfondi et circonspect de la situation.

 

d. Recenser les mesures de prévention

Une fois les causes identifiées, la commission étudie les mesures de prévention à envisager afin d'éradiquer le risque de violences internes. 

En agissant sur l’organisation, la prévention primaire est à privilégier. Elle diminue voire supprime les causes de violences internes. Exemples : effectifs suffisants en cas de pics d’activité, prise en charge par un tuteur en cas d’affectation à un nouveau poste,  diminution des cadences, définition d'objectifs réalistes,  etc.

La prévention secondaire protège les personnes des effets des risques psychosociaux, mais ne les supprime pas les causes. Cela peut être : formation des salariés et des managers aux RPS, etc.

La prévention tertiaire répare les victimes par des soins médicaux, un accompagnement psychologiques, etc. 

5. Décider à la suite des conclusions de l’enquête

Au cours d’une réunion extraordinaire du CSE , la commission présente son rapport et ses préconisations en matière de prévention aux autres membres du  comité. Ces derniers peuvent réagir en émettant des commentaires et observations. Le comité  peut décider de :

• Poursuivre les investigations afin de recueillir certaines informations complémentaires  ;

ou 

• Soumettre le rapport de la commission d’enquête au vote pour  validation.

Les procès-verbaux du CSE concernant l’enquête en cas de violences internes ou de harcèlement sont confidentiels. Il convient  de conserver une trace écrite des débats et des propositions du comité. Le refus de mettre en œuvre les mesures proposées par le comité de la part de l'employeur doit être motivé.

 

Pour aller plus loin...

 

CSE violences internes

Comment agir en cas de violences internes ?

En cas d'exposition à des violences internes au travail comme des injures et des comportements malveillants, le salarié se tourne, en général, naturellement vers le ou les représentants du personnel pour l’aider à sortir d'une situation mettant à rude épreuve sa santé physique et mentale.

1. Quel est le rôle des représentants du personnel face à une situation de violences internes ? 

En cas de signalement et/ou de constat de violences au travail, l'urgence est pour le ou les représentants du personnel d'alerter l'employeur ou son représentant  légal afin de faire cesser cette situation génératrice de souffrance au travail pouvant se traduire notamment par une atteinte à la santé physique et/ou mentale de ou des victimes.

En cas d'alerte d'un représentant  de l'existence d'une situation portant atteinte à la santé physique et/ou mentale d'un salarié, l'employeur procède sans délai à une enquête avec le membre du comité et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. L.2312-59 CT

En parallèle de l'exercice du droit d’alerte,  le CSE peut réfléchir à la nécessité d'initier une démarche collective de prévention des risques psychosociaux pour recenser et analyser au niveau global de l'entreprise quelles sont les causes notamment organisationnelles conduisant à des violences internes et ainsi proposer des mesures de prévention efficaces et pérennes afin d'enrayer ce phénomène. 

2. Quelles sont les limites  du rôle des élus ?

Le rôle des représentants du personnel n'est surtout pas de rechercher des coupables, de désigner « les bons et les méchants » et de déduire des conclusions hâtives avant un examen approfondi et circonspect de la situation.

3. Quelles sont les responsabilités de l'employeur ?
L'article L.1152-4 CT précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. Par ailleurs, dans un arrêt du 1er juin 2016, la Cour de cassation exige deux conditions cumulatives pour exonérer l'employeur de sa responsabilité en cas de harcèlement :
•  Dès l'instant où il a été informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, il doit prendre les mesures immédiates propres à les faire cesser ;
• L'employeur doit aussi pouvoir justifier avoir pris, antérieurement, toutes les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 CT.

 4. Comment accompagner la personne ?

a. Ecouter la personne 

A l'occasion des premiers échanges, le ou les représentants du personnel témoigneront de leur soutien et de leur empathie pour réconforter et rassurer le salarié dont l’altération de l’estime de soi et la confiance résultant de l’exposition à des violences internes ont pu engendrer des blocages pour agir et donc se défendre.

Il sera nécessaire de tenir compte que le salarié éprouve le besoin de se confier, d'exprimer son ressenti, ses difficultés et son mal-être dans un climat de  de confiance. Pour ce faire, le ou les représentants du personnel prendront les précautions nécessaires en organisant notamment un entretien informel dans un endroit calme afin de pouvoir dialoguer en toute discrétion.

b. Recueillir des éléments tangibles et factuels

Lors des discussions, des éléments factuels à l'origine de la situation seront recueillis. Tout ce qui relève du registre de l’opinion, du jugement et de l’interprétation sera à bannir. Pour étayer son dossier, le salarié sera invité à rassembler des documents (mails, comptes rendus d’entretien, etc.) et de témoignages, etc. Dans le cas où il est difficile pour lui de réunir des preuves tangibles, une aide pourra lui être apportée afin de rédiger avec lui la chronologie des événements de sa vie professionnelle de son embauche à aujourd'hui avec les faits marquants et les changements importants ayant engendré un mal être au travail comme des objectifs flous ou irréalistes, une éviction des réunions de service, des modifications fréquentes de planning à la dernière minute, une destitution de certaines missions, etc.

c. Orienter vers les relais d'écoute et de soin

• Médecin du travail et médecin traitant 
Si le salarié n'a pas consulté le médecin du travail et son médecin traitant, il lui sera vivement conseiller de le faire.
Le médecin du travail analysera la situation de travail en recherchant quels sont les facteurs liés au travail ayant généré une pression psychique. Tenu au secret médical, il dispose de moyens pour agir auprès de l'employeur  en lui adressant par exemple , avec l'accord du salarié,  un courrier d'alerte  avec copie à l'inspection du travail et à la CRAMIF/CARSAT.

En revanche, son médecin référent  traitera les pathologies (troubles dépressifs, cervicalgies, problèmes cardiaques, etc.) et grâce à sa connaissance des antécédents médicaux, physiques et psychiques de son patient sera en mesure de déterminer les origines de ces symptômes : maladie physique non diagnostiquée ou bien consécutives à ces contraintes ressenties au travail. Il possède les arguments pour convaincre la personne de protéger sa santé. 

• Association "Souffrance et Travail"

Fondée en 2011 par un groupe de spécialistes de la santé au travail, Souffrance et Travail propose des consultations gratuites pour aider et accompagner les personnes en souffrance au travail. 

Autres recours 
Recourir à un médiateur   vise à réconcilier les deux parties.   
Saisir l'inspecteur du travail qui pourra constater des faits de harcèlement et transmettre éventuellement le dossier à la justice. 

Saisir le Défenseur des droits si le harcèlement moral semble motivé par une discrimination basée sur des critères prohibés par la loi comme par exemple, l’âge, l'orientation sexuelle ou le sexe.

Saisir le Conseil des prud'hommes pour faire cesser les agissements et demander réparation du préjudice subi. Le salarié devra présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Porter plainte auprès du commissariat de police ou à la gendarmerie dans un délai de 6 ans à partir du fait le plus récent de harcèlement (derniers propos, courrier, etc.).

  • Tout syndicat représentatif peut, avec l'accord du salarié, engager à sa place une action en justice.Le syndicat agit alors au nom du salarié et pour son compte. L.1154-2 CT

Souvent, le salarié craint que le fait de se défendre lui porte préjudice notamment pour son avenir professionnel. C'est pourquoi, il est indispensable de  lui expliquant la protection dont il bénéficie à savoir que tout salarié ayant relaté des faits de harcèlement ou ayant témoigné de tels agissements bénéficie d'une protection contre d'éventuelles sanctions. L.1152-2  CT

d. Se mettre d'accord sur la démarche à entreprendre auprès de l'employeur
A l'issue des échanges  entre le salarié et le ou les représentants du personnel, il va s'agir d'étudier la démarche la plus appropriée  à suivre en fonction de la situation :  origines, fréquence, durée, etc.
Dans un premier temps, avec l'accord du salarié, l’alerte de l'employeur de la situation semble indispensable afin que des mesures urgences soient mises en place dans les meilleurs délais pour protéger le salarié et faire cesser la situation.

e. Accompagner la personne dans ses démarches
Le salarié exposé à une situation de souffrance peut se sentir isolé et connaître des moments de découragements. C'est la raison pour laquelle, le ou les représentants du personnel veilleront à être disponible pour le guider et le soutenir tout au long de ses démarches et de l'orienter vers les bons interlocuteurs (médecin du travail, association d'aide, etc.).

La recherche des causes organisationnelles de la situation de violences internes, par le comité permet d'identifier les mesures appropriées de prévention  pour éviter la reproduction de cas similaires.

Dans l'hypothèse où ce phénomène persiste dans l'entreprise, les élus devront réfléchir à l'opportunité de recourir à un expert "habilité" pour risque grave. 

 

Pour aller plus loin

Télécharger le guide des salariés et des représentants du personnel - Souffrance au travail - RPS - DREETS NORMADIE & CARSAT NORMANDIE