CSE violences internes

Comment agir en cas de violences internes ?

En cas d'exposition à des violences internes au travail comme des injures et des comportements malveillants, le salarié se tourne, en général, naturellement vers le ou les représentants du personnel pour l’aider à sortir d'une situation mettant à rude épreuve sa santé physique et mentale.

1. Quel est le rôle des représentants du personnel face à une situation de violences internes ? 

En cas de signalement et/ou de constat de violences au travail, l'urgence est pour le ou les représentants du personnel d'alerter l'employeur ou son représentant  légal afin de faire cesser cette situation génératrice de souffrance au travail pouvant se traduire notamment par une atteinte à la santé physique et/ou mentale de ou des victimes.

En cas d'alerte d'un représentant  de l'existence d'une situation portant atteinte à la santé physique et/ou mentale d'un salarié, l'employeur procède sans délai à une enquête avec le membre du comité et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. L.2312-59 CT

En parallèle de l'exercice du droit d’alerte,  le CSE peut réfléchir à la nécessité d'initier une démarche collective de prévention des risques psychosociaux pour recenser et analyser au niveau global de l'entreprise quelles sont les causes notamment organisationnelles conduisant à des violences internes et ainsi proposer des mesures de prévention efficaces et pérennes afin d'enrayer ce phénomène. 

2. Quelles sont les limites  du rôle des élus ?

Le rôle des représentants du personnel n'est surtout pas de rechercher des coupables, de désigner « les bons et les méchants » et de déduire des conclusions hâtives avant un examen approfondi et circonspect de la situation.

3. Quelles sont les responsabilités de l'employeur ?
L'article L.1152-4 CT précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. Par ailleurs, dans un arrêt du 1er juin 2016, la Cour de cassation exige deux conditions cumulatives pour exonérer l'employeur de sa responsabilité en cas de harcèlement :
•  Dès l'instant où il a été informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, il doit prendre les mesures immédiates propres à les faire cesser ;
• L'employeur doit aussi pouvoir justifier avoir pris, antérieurement, toutes les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 CT.

 4. Comment accompagner la personne ?

a. Ecouter la personne 

A l'occasion des premiers échanges, le ou les représentants du personnel témoigneront de leur soutien et de leur empathie pour réconforter et rassurer le salarié dont l’altération de l’estime de soi et la confiance résultant de l’exposition à des violences internes ont pu engendrer des blocages pour agir et donc se défendre.

Il sera nécessaire de tenir compte que le salarié éprouve le besoin de se confier, d'exprimer son ressenti, ses difficultés et son mal-être dans un climat de  de confiance. Pour ce faire, le ou les représentants du personnel prendront les précautions nécessaires en organisant notamment un entretien informel dans un endroit calme afin de pouvoir dialoguer en toute discrétion.

b. Recueillir des éléments tangibles et factuels

Lors des discussions, des éléments factuels à l'origine de la situation seront recueillis. Tout ce qui relève du registre de l’opinion, du jugement et de l’interprétation sera à bannir. Pour étayer son dossier, le salarié sera invité à rassembler des documents (mails, comptes rendus d’entretien, etc.) et de témoignages, etc. Dans le cas où il est difficile pour lui de réunir des preuves tangibles, une aide pourra lui être apportée afin de rédiger avec lui la chronologie des événements de sa vie professionnelle de son embauche à aujourd'hui avec les faits marquants et les changements importants ayant engendré un mal être au travail comme des objectifs flous ou irréalistes, une éviction des réunions de service, des modifications fréquentes de planning à la dernière minute, une destitution de certaines missions, etc.

c. Orienter vers les relais d'écoute et de soin

• Médecin du travail et médecin traitant 
Si le salarié n'a pas consulté le médecin du travail et son médecin traitant, il lui sera vivement conseiller de le faire.
Le médecin du travail analysera la situation de travail en recherchant quels sont les facteurs liés au travail ayant généré une pression psychique. Tenu au secret médical, il dispose de moyens pour agir auprès de l'employeur  en lui adressant par exemple , avec l'accord du salarié,  un courrier d'alerte  avec copie à l'inspection du travail et à la CRAMIF/CARSAT.

En revanche, son médecin référent  traitera les pathologies (troubles dépressifs, cervicalgies, problèmes cardiaques, etc.) et grâce à sa connaissance des antécédents médicaux, physiques et psychiques de son patient sera en mesure de déterminer les origines de ces symptômes : maladie physique non diagnostiquée ou bien consécutives à ces contraintes ressenties au travail. Il possède les arguments pour convaincre la personne de protéger sa santé. 

• Association "Souffrance et Travail"

Fondée en 2011 par un groupe de spécialistes de la santé au travail, Souffrance et Travail propose des consultations gratuites pour aider et accompagner les personnes en souffrance au travail. 

Autres recours 
Recourir à un médiateur   vise à réconcilier les deux parties.   
Saisir l'inspecteur du travail qui pourra constater des faits de harcèlement et transmettre éventuellement le dossier à la justice. 

Saisir le Défenseur des droits si le harcèlement moral semble motivé par une discrimination basée sur des critères prohibés par la loi comme par exemple, l’âge, l'orientation sexuelle ou le sexe.

Saisir le Conseil des prud'hommes pour faire cesser les agissements et demander réparation du préjudice subi. Le salarié devra présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Porter plainte auprès du commissariat de police ou à la gendarmerie dans un délai de 6 ans à partir du fait le plus récent de harcèlement (derniers propos, courrier, etc.).

  • Tout syndicat représentatif peut, avec l'accord du salarié, engager à sa place une action en justice.Le syndicat agit alors au nom du salarié et pour son compte. L.1154-2 CT

Souvent, le salarié craint que le fait de se défendre lui porte préjudice notamment pour son avenir professionnel. C'est pourquoi, il est indispensable de  lui expliquant la protection dont il bénéficie à savoir que tout salarié ayant relaté des faits de harcèlement ou ayant témoigné de tels agissements bénéficie d'une protection contre d'éventuelles sanctions. L.1152-2  CT

d. Se mettre d'accord sur la démarche à entreprendre auprès de l'employeur
A l'issue des échanges  entre le salarié et le ou les représentants du personnel, il va s'agir d'étudier la démarche la plus appropriée  à suivre en fonction de la situation :  origines, fréquence, durée, etc.
Dans un premier temps, avec l'accord du salarié, l’alerte de l'employeur de la situation semble indispensable afin que des mesures urgences soient mises en place dans les meilleurs délais pour protéger le salarié et faire cesser la situation.

e. Accompagner la personne dans ses démarches
Le salarié exposé à une situation de souffrance peut se sentir isolé et connaître des moments de découragements. C'est la raison pour laquelle, le ou les représentants du personnel veilleront à être disponible pour le guider et le soutenir tout au long de ses démarches et de l'orienter vers les bons interlocuteurs (médecin du travail, association d'aide, etc.).

La recherche des causes organisationnelles de la situation de violences internes, par le comité permet d'identifier les mesures appropriées de prévention  pour éviter la reproduction de cas similaires.

Dans l'hypothèse où ce phénomène persiste dans l'entreprise, les élus devront réfléchir à l'opportunité de recourir à un expert "habilité" pour risque grave. 

 

Pour aller plus loin

Télécharger le guide des salariés et des représentants du personnel - Souffrance au travail - RPS - DREETS NORMADIE & CARSAT NORMANDIE 

 

Passage au CSE : Moins de moyens pour le CSE !

Le passage au CSE diminue considérablement les moyens de l'instance du personnel comme le nombre d'heures de délégation et  le financement des expertises  Dans cet article, nous dressons l'inventaire des principales mesures de la réforme ayant  entraîné une  réduction des ressources  des représentants du personnel.

1. Réduction  du nombre d'élus 

En fonction de l’effectif, la réglementation a conduit à réduire considérablement le nombre d’élus. Par exemple, pour une entreprise de 100 salariés, le nombre de titulaires  pour les trois instances réunies (DP, CE et CHSCT)  était fixé à 12 (4 pour les délégués du personnel, 5 pour le comité d’entreprise, 3 pour le CHSCT), mais, avec le CSE, leur nombre descend à 6 (et autant d’élus suppléants, qui ne sont pas dotés d’heures de délégation), sauf accord d’entreprise plus favorable (voir tableaux ci-dessous), soit une réduction de 50 % du nombre de titulaires par rapport aux anciennes instances.

2. Passage d'une logique de proximité à un système centralisé 

Avant la réforme des instances, la reconnaissance d’un établissement distinct pour la mise en place d’un comité d’entreprise d’établissement ou d’un CHSCT d’établissement pouvait varier, selon l’appréciation des juridictions administratives et judiciaires, selon une logique de proximité entre les salariés et leurs représentants, favorisant la création d’établissements distincts, ou suivant une approche, plus limitative, s’attachant à l’autonomie décisionnelle du représentant de l’employeur au sein de l’établissement. Désormais, le seul critère de « l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel » est retenu (L.2313-4 CT). Il en résulte que lors du passage au CSE, certains établissements sont dépourvues d'instances du personnel si bien que certains salariés se retrouvent sans personne pour les représenter au niveau de la direction. Cette centralisation des instances  complexifie l'exercice du mandat des élus car ces derniers ne sont pas  forcément connus des salariés et par voie de conséquence certains ne vont pas forcément les  alerter en cas de problèmes (danger grave et imminent, faits de harcèlement, ...), leur transmettre leurs attentes en cas de décisions de l'employeur, etc. 

En somme, la disparition de certains établissements distincts entraîne la  perte de la proximité des élus avec les salariés, proximité indispensable pour  connaître  les préoccupations et difficultés des salariés afin de régler au plus près les problèmes

En de cas  désaccord sur le découpage électoral avec les organisations syndicales, ou, à défaut, avec la majorité des membres du CSE, l’employeur peut fixer unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements distincts en fondant son choix sur cette définition, plus restrictive, de l’établissement. En cas de litige sur la décision de l’employeur relative à l’architecture des institutions, la DIRECCTE peut être saisie.

Cette logique centralisatrice produit des conséquences importantes sur la prévention des risques et les conditions du travail. Après le passage au CSE, certains salariés répartis sur plusieurs sites, autrefois dotés de comité d’établissement, de délégués du personnel et de CHSCT se retrouvent aujourd’hui sans représentants pour leur parler de leurs difficultés en matière de sécurité, des risques auxquels ils sont exposés et qui sont susceptibles d’avoir des effets délétères sur leur santé physique et mentale, et pour leur signaler par exemple une situation de faits de harcèlement ou la présence d’un danger grave et imminent. Bien entendu, cette carence de relais n’exonère pas l’employeur de son obligation de préserver la santé physique et mentale des travailleurs, mais celle-ci risque d’être plus facilement engagée dans la mesure où aucun représentant du personnel sur le site ne lui aura signalé les risques et permis ainsi de montrer que  les mesures de prévention étaient insuffisantes ou inefficaces. Or, on constate que sur le terrain, dans bien des cas, c’est par le canal représentatif que les dangers en termes de santé et de sécurité sont signalés et puis traités dans un cadre institutionnel. 

3. Diminution du nombre d'heures de délégation 

Une baisse significative du volume global d’heures de délégation attribuées à l’ensemble de la délégation du personnel est aussi à noter  Par exemple, pour  une entreprise de 100 salariés,  avec les anciennes instances, le crédit d’heures total était  de 175 heures, avec la nouvelle instance,  il est passé à  126 heures ( sauf autres dispositions prévues par voie d’accord collectif) soit une baisse en moyenne de presque d'un  tiers.

4. Suppression du CHSCT 

Avant la réforme, chaque établissement d'au moins 50 salariés était dotés d'un CHSCT qui bénéficiait d'une autonomie juridique. Il pouvait en autre ester en justice et recourir à un expert. Par ailleurs, l'employeur devait lui fournir tous les moyens aux membres du CHSCT pour exercer leurs missions. Par exemple : leur financer les revues techniques, leur mettre à disposition un véhicule pour enquêter en cas d'accident du travail, etc.

Avec la mise en place du CSE, le CHSCT disparaît automatiquement. Pour les entreprises d'au moins 300 salariés, une commission santé, sécurité et conditions de travail est mise en place mais ne possède aucune autonomie juridique. Elle ne peut pas recourir de sa propre initiative à un expert, ses propositions en matière de prévention n'ont pas à un caractère officiel. En bref, aucun pouvoir, les missions de la Commission se limitent à réaliser des inspections et des enquêtes, mais ses décisions n'ont aucune caractère officiel. 

6. Financement des expertises pour projet important 

Avant le passage au CSE, les frais d’expertise en cas de projet important ou d’introduction de nouvelles technologies était financé  totalement par l’employeur. Désormais, 20 % sont financés par le budget de fonctionnement du CSE et le reste est pris en charge par l’employeur.  Cette nouvelle mesure limite le recours aux experts pourtant indispensable pour éclairer   les élus sur les conséquences humaines et sociales en cas de changement  important et leur permettre de se positionner  en toute connaissance de cause par rapport aux projets et futures décisions de l’employeur.

7. Imputation de dépenses supplémentaires sur le budget de fonctionnement du CSE 

En plus du financement à hauteur de 20 %  en cas de recours à une expertise pour projet important, le budget de fonctionnement du CSE doit désormais prendre en charge les frais de déplacement pour les missions en matière de santé, sécurité et conditions de travail.
Auparavant, la prise en charge des frais de déplacement des élus du CHSCT pour la réalisation des inspections et des enquêtes en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle incombait à l’employeur (L.4614-9 ancien CT). La réforme est muette sur cette règle signifiant qu’aujourd’hui les dépenses occasionnées par les élus pour réaliser les inspections et les enquêtes (déplacement, mais aussi frais éventuels de restauration et de logement) sont, à priori, pris en charge par le CSE, sachant qu’il dispose d’un budget de fonctionnement (à partir de 50 salariés), à moins qu’un accord d’entreprise ou une clause agréée du règlement intérieur du CSE ne prévoit leur  financement par l’employeur. Or, ce budget peut s’avérer insuffisant pour financer ces missions clés, surtout si les salariés travaillent sur des sites éloignés géographiquement.