Avec la crise sanitaire, le recours massif du télétravail occasionne des dépenses supplémentaires pour les salariés. A l'initiative de délégués syndicaux et d élus du CSE , cette question de la prise en charge des frais est débattue au sein de la plupart des instances représentatives du personnel. De plus, des études relatives au télétravail constatent que travailler chez soi peut porter atteinte à la santé physique et mentale. En effet, des risques professionnels peuvent apparaître en cas d'absence d'équipements adaptés . Par exemple, une augmentation de stress a été observé chez les travailleurs dont le domicile était dépourvu d'une connexion internet de qualité. Des cervicalgies ou des maux de dos sont apparus chez ceux ne disposant pas de matériel et de mobilier appropriés.
En somme, bien vivre le télétravail nécessite de disposer d'avoir les moyens d'assurer ses activités professionnelles. Mais, cela représente un coût. Quel est son montant ? A qui incombe le financement des dépenses engagées par le télétravailleur ? A l'employeur ou au salarié ?
1 - Quel est le coût du télétravail ?
En 2012, une étude réalisée par Greenworking et remise au Ministère de l'Industrie estime le coût moyen de la mise en place du télétravail à 1 370 €. En effet, les dépenses potentielles pour le salarié comportent notamment :
- le mobilier et le matériel si non fournis par l'employeur (deuxième écran, siège ergonomique, imprimante, etc. )
- la consommation énergétiques (chauffage, électricité, internet, etc.)
- l'assurance en cas extension du contrat d'assurance multirisques habitation
2 - A qui incombe le financement des dépenses engagées par le télétravailleur ?
Dispositions non prévues dans le code du travail
Sauf si un accord collectif ou une charte le mentionne, depuis le 24 septembre 2017, le code du travail ne prévoit plus la prise en charge les frais liés au télétravail par l'employeur. De plus, dans les questions/réponses du Ministère du travail relatif au télétravail dans le cadre du confinement, il est stipulé que l'employeur n'est pas tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail destinée à lui rembourser des frais découlant du télétravail, sauf si un accord ou une charte d'entreprise le prévoit. Néanmoins, il est précisé que l'employeur doit fournir un ordinateur.
Prise en charge des frais professionnels par l'employeur prévue par l'ANI du 19 juillet 2005 et celui du 26 novembre 2020
Toutefois, l'article 7 de l'accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 relatif au télétravail mentionne : "Sous réserve lorsque le télétravail s'exerce à domicile, de la conformité des installations électriques et des lieux de travail, l'employeur fournit, installe et entretient les équipements nécessaires au télétravail. Si, exceptionnellement, le télétravailleur utilise son propre équipement, l'employeur en assure l'adaptation et l'entretien"
Dans la même logique, l'article 3.1.5 de l'accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 rappelle le principe selon lequel les frais engagés par un salarié dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail doivent être supportés par l'employeur s'applique à l'ensemble des situations de travail. A ce titre, il appartient ainsi à l'entreprise de prendre en charge les dépenses qui sont engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'entreprise, après validation de l'entreprise.
Indemnisations des frais pour la jurisprudence
Par ailleurs, selon la jurisprudence, l'employeur doit l'indemniser la sujétion particulière et les frais engendrés par l'occupation à titre professionnel de son domicile dès lors qu'il est tenu de travailler à son domicile, d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail, (cass. soc. 12 décembre 2012, N°11-20502, BC V n°339 ; cass. soc. 8 novembre 2017, N°16-18501 FSPB).
Position de l'URSSAF
En outre, l'URSSAF conseille de résoudre avant le début du télétravail toutes les questions relatives aux équipements de travail, à la responsabilité et aux coûts. A ce titre, elle rappelle : Si le télétravail est réalisé régulièrement, l’employeur couvre les coûts directement causés par ce travail, en particulier ceux liés aux communications.
3 - Quels sont les enjeux de négocier un accord sur la prise en charge des frais du télétravailleur ?
Avec ces positions divergentes, la problématique de la prise en charge des frais du télétravailleur crée de l'ambiguïté. C'est la raison pour laquelle , les représentants du personnel peuvent porter la question du remboursement des dépenses occasionnées par le télétravail au sein des instances représentatives du personnel. Pour ce faire, ils pourront baser leur argumentaire sur les ANI relatifs au télétravail, sur la jurisprudence et sur les exonérations des cotisations sociales prévues par l'URSSAF. Dans les entreprises dotées d'un ou plusieurs délégués syndicaux, un accord d'entreprise relatif au télétravail peut être conclu. En revanche, en absence de délégués syndicaux, les élus peuvent être amenés à négocier un accord d'entreprise sur le télétravail.
Règles d'exonération de charges sociales du remboursement des dépenses du télétravail par l'employeur (URSSAF)
Le remboursement des frais engagé par le télétravailleur peut être établi sur la base de justificatifs des dépenses ou sur une base forfaitaire selon des règles fixées par l'URSSAF ou selon les règles fixées par la circulaire du ministère des affaires sociales et du travail du 7 janvier 2002.
Allocations forfaitaires sans justificatifs
L'URSSAF tolère que l'employeur puisse rembourser les dépenses engagés par le télétravailleur sous forme d'allocations forfaitaires mensuelles exonérées de cotisations sociales sans justificatif. La limite d'exonération est en fonction du nombre de jours par semaine de télétravail (voir tableau ci-après).
Nombre de jours de télétravail par semaine | Allocations forfaitaires exonérées par mois |
1 | 10 € |
2 | 20 € |
3 | 30 € |
4 | 40 € |
5 | 50 € |
En cas de prise en charge par l'employeur au-delà de ces limites ci-dessus, des justificatifs des dépenses engagées sont nécessaires pour prétendre à une exonération des cotisations sociales.
Circulaire du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité
La circulaire fixe l'évaluation des frais pour trois catégories de dépenses à savoir :
- Les frais fixes et variable liés à la mise à disposition d'un local privé pour un usage professionnel ;
- Les frais liés à l'adaptation d'un local spécifique ;
- Les frais de matériel informatique, de connexion et de fournitures diverses.
Le tableau ci-après mentionne le montant de la prise en charge par l'employeur des frais engagés par le télétravailleur (extrait du tableau de la circulaire)
Nature des frais | Règles d' exonération de cotisations sociales | |
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Frais fixes |
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Quote-part des frais fixes réellement supportés au titre du local affecté à usage professionnel (au prorata de la superficie totale de l'habitation principale).
Exemple :
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Frais variables |
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Quote-part des frais variables réellement supportés au titre du local affecté à usage professionnel |
Dépenses d'acquisition de mobilier |
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Remboursement dans la limite de 50 % de la dépense réelle sur justificatifs |
Frais liés à l'adaptation du local |
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Valeur réelle sur présentation de facture |
Matériels informatiques et périphériques |
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Remboursement dans la limite de 50 % de la dépense réelle sur justificatifs |
Consommables |
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Valeur réelle sur présentation de facture |
Frais de connexion au réseau téléphonique et frais d'abonnement |
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Remboursement sur présentation des justificatifs de frais |